Dans ce domaine de la perspective de la vie après la mort, il y aurait encore beaucoup à dire sur les doctrines des Témoins de Jéhovah. Nous n’allons pas tout explorer en détail, mais il faut soulever les points les plus importants.
L’enjeu ici est énorme, car il s’agit du but du croyant, la nature même du salut que Christ a acheté pour nous au prix de son sang. Il est incontestable que les Témoins de Jéhovah annoncent un autre évangile, un message qui n’a rien à voir avec le message de Jésus et des apôtres.
Le coeur du problème est dans ce qu’ils appellent « l’espérance céleste » et « l’espérance terrestre ». Il s’agit de deux buts différents, pour deux groupes de croyants différents.
Les uns, selon leur doctrine, iront au ciel, auprès de Dieu. C’est pourquoi ceux qui visent ce but (personne ne peut être sûr de son espérance dans leur doctrine) sont caractérisés par une « espérance céleste ». Les autres n’iront pas au ciel, mais plutôt sur la nouvelle terre, d’où le terme de « l’espérance terrestre ».
Or, ici, ce qu’il est important de comprendre est que « l’espérance terrestre » signifie que ce groupe ne sera pas avec Dieu. Dieu est « au ciel » dans la doctrine des Témoins de Jéhovah, ce qui veut dire ailleurs. Il n’est pas ici, et il ne sera pas présent personnellement sur la nouvelle terre. (Ils disent qu’il y sera représenté pendant le millénium par Jésus, et qu’ensuite même Jésus partira de la nouvelle terre.) Le but de ce « salut » n’est donc pas d’aller auprès de Dieu.
Ce qui est désolant, c’est que cela correspond exactement à leur désir. Les Témoins de Jéhovah avec qui j’ai discuté de la chose ne veulent pas passer l’éternité avec Dieu. Leur « amour » pour Dieu se limite à apprécier ses bienfaits et à accepter sa direction, mais il n’y a pas de recherche d’une relation personnelle.
Montre-nous le Père, et cela nous suffit, a dit l’apôtre Philippe dans Jean 14:8. « Mon but est de le connaître, lui, » a écrit Paul dans Philippiens 3:10. Le psalmiste avait exprimé la même pensée depuis longtemps : « Comme une biche soupire après des courants d’eau, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu ! Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant : quand irai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu ? » (Psaume 42:2-3).
Mais tout cela ne touche pas le coeur de la grande majorité des Témoins de Jéhovah. Vivre avec Dieu est une existence trop « spirituelle » pour eux ; ils préfèrent la notion matérialiste du confort physique, le paradis terrestre qui ressemble étrangement à cette vie, avec les difficultés en moins.
Cette doctrine ne trouve aucune place dans les écritures. Il n’est jamais question de deux buts différents pour deux groupes de croyants. Il y a ceux qui désirent s’approcher de Dieu et qui seront avec lui et ceux qui préfèrent vivre loin de lui, dans le péché (car la définition même du péché est le choix de vivre sans Dieu). Il s’agit de ceux qui sont sauvés et ceux qui ne le sont pas, et non de deux groupes de rachetés, sauvés tous les deux mais de manière différente.
Les Témoins de Jéhovah mettent en avant les 144 000 de l’Apocalypse pour soutenir cette étrange doctrine. Dans l’Apocalypse chapitre 7, on voit un groupe de 144 000 jusqu’au verset 8 ; ensuite il est question d’une « grande foule que nul ne pouvait compter« . Selon les Témoins de Jéhovah, les 144 000 sont ceux qui ont l’espérance céleste ; il y a essentiellement les apôtres, les croyants du premier siècle, et les « grands hommes de Dieu » à travers les siècles. Il y a encore aujourd’hui quelques personnes qui manifestent l’espérance céleste, mais c’est plus ou moins rare.
La « grande foule », c’est le reste des Témoins de Jéhovah, ceux qui ont l’espérance terrestre. La nouvelle terre est pour eux. Ils y vivront heureux, auront des enfants, et passeront l’éternité dans une vie physique et matérielle, sous la direction de Dieu mais sans sa présence.
Or, cette interprétation du passage est manifestement gratuite. Il n’y a pas la moindre trace, dans ce passage, d’une telle différence entre les deux groupes. D’ailleurs, il ne me semble pas personnellement qu’il s’agisse de deux groupes différents. D’une façon symbolique (et le livre de l’Apocalypse se sert énormément du symbolisme), « 144.000 » pourrait très bien signifier la même chose qu’une « grande foule… de toute nation, de toutes tribus, de tous peuples et de toutes langues ». 144 est manifestement 12 fois 12, principe qu’on retrouve également dans d’autres passages de l’Apocalypse et qui semble représenter les croyants juifs (désignés par les 12 tribus d’Israël) et les croyants non-juifs (désignés par les 12 apôtres) unis. Le tout est ensuite multiplié par 1000, chiffre qui signifie symboliquement une quantité énorme, impossible de saisir. Si c’est cela, les « 144 000 » seraient les croyants de tous les peuples de la terre, si nombreux qu’on ne peut pas les compter. Les « deux groupes » seraient donc les mêmes, vu sous deux aspects différents.
Cette interprétation n’est évidemment pas la seule qu’on puisse en tirer ; il n’y a pas que les Témoins de Jéhovah qui la contesteraient, préférant une interprétation plus littérale. C’est possible. Toujours est-il qu’on ne peut que prendre les 144 000 soit littéralement, soit symboliquement. Si on les interprète littéralement, ils sont juifs, de toutes les tribus sauf celle de Dan. Si on les interprète symboliquement, on ne peut plus dire qu’il sont 144.000. Dans un sens symbolique, ce chiffre indiquerait forcément un nombre bien plus grand que cela.
Je peux admettre les deux façons d’interpréter ce passage, tout en ayant mon opinion. Mais il faut choisir. On ne peut pas affirmer qu’il n’est pas littéral (puisqu’il s’agirait des Témoins de Jéhovah plutôt que des Juifs) puis dire que le nombre est littéral, ne concernant qu’un petit groupe de croyants.
De toute façon, il est intéressant de remarquer que même s’il s’agissait ici de deux groupes de croyants différents, avec deux destins différents, ce passage n’irait pas du tout dans le sens de l’enseignement des Témoins de Jéhovah. Il suffit de lire le passage pour constater que les 144 000 ne peuvent pas être un « groupe céleste » tandis que la « grande foule » serait un « groupe terrestre ». Car les 144 000 sont sur la terre, tandis que la grande foule est au ciel ! D’ailleurs, il sera question encore une fois des 144 000 dans l’Apocalypse, dans le premier verset du chapitre 14. Et une fois de plus, si on interprète le passage littéralement, ils sont sur la terre. Sans que ce soit du tout l’enseignement du passage, il y aurait au moins une certaine logique à prétendre que les 144 000 auraient une espérance terrestre et la « grande foule » une espérance céleste. Maintenir exactement le contraire, comme le font les Témoins de Jéhovah, est ridicule.
Mais de toute façon, toute cette doctrine est ridicule. On ne peut pas distinguer « ceux qui sont avec Dieu » et « ceux qui sont sur la nouvelle terre », car les chapitres 21 et 22 sont très clairs sur le fait que Dieu sera personnellement présent avec son peuple sur la nouvelle terre. Je vois difficilement comment le texte aurait pu être plus explicite que ce qui est annoncé dans Apocalypse 21:3 : « Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. » Mais comme si cela ne suffisait pas, le chapitre 22 ajoute (dans les versets 3 et 4) : « Le trône de Dieu et de l’Agneau sera dans la ville. Ses serviteurs le serviront et verront sa face. »
Il est donc absolument impossible d’accepter cette notion d’une espérance céleste et d’une espérance terrestre. Cette doctrine ne convient qu’à des gens qui n’ont pas le désir de connaître Dieu, c’est à dire des gens caractérisés par la nature pécheresse. C’est une absurdité totale, en contradiction flagrante avec l’enseignement répété des Écritures. Le but de tout vrai croyant est d’être avec Dieu pour l’éternité.
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